»C’était une déplorable vieille mégère. Elle suçait le bonbon avec bruit et contemplait le feu dansant de dessous ses sourcils roux et hérissés. Sur le dossier de sa chaise était perché Boney, son perroquet aux couleurs vives qui becquetait avec fureur les rubans de son bonnet. Elle avait rapporté un perroquet de l’ Inde et on l’avait appelé Boney pour se moquer de Bonaparte. Elle en avait eu plusieurs depuis le premier, mais il y avait longtemps qu’elle ne faisait plus de différence entre eux.
Ils étaient tous Boney et souvent elle racontait à un visiteur la peine qu’elle avait eue à ramener celui-ci à travers l’ Océan, il y a soixante-quinze ans. Il lui avait donné presque autant d’ennuis que son bébé, Augusta. Grand -mère et ses deux fils avaient chacun un animal favori qui, à part son maître, n’aimait personne. Tous trois se tenaient avec leurs bêtes dans leurs appartements comme des pensionnaires d’un rang supérieur, et, excepté pour les repas, pour se faire des visites les uns aux autres. Et pour jouer au Whist dans le salon le soir. Ils en sortaient rarement.
La chambre de grand-mère avait un tapis et des rideaux épais. Elle sentait le bois de santal, le camphre et la lotion pour les cheveux. Son lit était un lit ancien en cuir peint. La tête resplendissait de fruits orientaux groupés autour d’un perroquet au plumage éclatant et de deux singes grimaçants. Boney restait perché là toute la nuit et n’en partait qu’au jour pour agacer sa maîtresse avec des coups de becs et des jurons hindous qu’elle lui avait appris. » Mazo de la Roche (Jalna)

Ping : Le perroquet des Indes — L’atelier peinture de Christine | l'eta' della innocenza
😊💙
J'aimeAimé par 1 personne