»Du côté salon règnent les grandes personnes. Elles ne veulent pas être dérangées et reçoivent les importants. Avec ceux-ci, à l’occasion d’une brève visite, l’enfant doit bien se tenir, pratiquer le voussoiement, subir les sempiternelles questions, et dans le pire des cas, les baisers pointus de ses oncles et tantes. S’il obtient de déjeuner à table, dans la salle à manger, il est convaincu de n’ouvrir la bouche qu’avec la plus grande circonspection, d’attendre autant que possible qu’on l’interroge. Ou le moment du dessert. Ici comme ailleurs, il n’entend jamais parler d’argent, de soucis professionnels, de santé. Toutes choses qui n’existent pas.
Quand la cuisinière n’est pas trop jalouse de son domaine, et s’il parvient à entrer dans ses bonnes grâces, l’enfant peut trouver chez elle une interlocutrice attentive et patiente. Elle répond à ses questions les plus sottes : -. Marie, tu es noble, toi? Oui, puisque je suis la reine des cuisinières !– Il a le bonheur de l’entendre discourir sur tous les sujets interdits dans le reste de la maison, le prix du bifteck, l’état de santé des uns et des autres, les petites misères de l’existence, les nouvelles fraîches de la radio. Dans une magistrale leçon de pessimisme, elle lui fait part de ses inquiétudes variées touchant à la fin du monde, grèves, imposition du capital, communisme. Il la tutoie, la nomme par son prénom, a toute latitude de se montrer spontané, démonstratif et câlin. C’est à la cuisine qu’il trouve son meilleur public, qu’il expérimente les effets de son charme pour obtenir en première exclusivité un morceau de gâteau, qu’il apprend le monde du dehors. » F de Negroni et J-F Desrousseaux de Vandières (Le comte de Mirobert se porte comme un charme)

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😊🐾
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Interprétation poétique du château!
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