« -. Mon grand-père paternel, que je n’ai jamais connu, était né à Coutances, vers 1845, et il s’appelait Guillaume Lansot. Normand de pure race, il était venu à Marseille en faisant son tour de France. Ma grand-mère marseillaise lui plut, il y resta. A vingt-quatre ans, il avait déjà trois enfants, dont ma mère était la petite-dernière.
Comme il savait bien son métier, et que la mer ne lui faisait pas peur, on l’envoya un jour à Rio de Janeiro, pour dépanner un navire à vapeur dont la machine ne voulait plus repartir. Il arriva dans ce pays encore sauvage, sans vaccin d’aucune sorte. Il vit des gens qui mouraient de la fièvre jaune, et, tout bêtement, il fit comme eux.
Ses enfants n’avaient pas eu le temps de le connaître, et ma grand-mère, qui ne fut sa femme que pendant quatre années, n’avait pas pu nous dire grand chose, si ce n’est qu’il était très grand, qu’il avait des yeux bleu de mer, des dents très blanches, qu’il était d’un blond tirant sur le roux, et qu’il riait d’un rien, comme les enfants.
Je n’ai même pas sa photographie. Parfois, le soir, à la campagne, au coin du feu, je l’appelle, mais il ne vient pas. Il doit être encore dans les Amériques. Alors tout seul, en regardant les flammes, je pense à mon grand-père de vingt-quatre ans, qui mourut sans lunettes, avec toutes ses dents, sous une épaisse chevelure dorée. Et je m’étonne d’être le si vieux petit-fils d’un grand jeune homme de Coutances. » Marcel Pagnol (La Gloire de mon Père)
Merci pour ce charmant extrait de M. Pagnol qui me rappelle mes lectures de jeunesse.
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😊💙
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Voilà qui donne envie de relire Pagnol !
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Les proches qu’on n’a pas connu pour une raison ou pour une autre constituent un manque certain et suscitent des interrogations légitimes ….
Bonne journée
Gérard
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