»-. Le soir où elles arrivent, ce ne sont pas les quintes de toux de la femme qui font qu’on lui ouvre, ni ses coups de poing sur le battant de chêne de l’entrée. L’hiver 1916, on se méfie terriblement dans toutes les fermes du Plateau et de ses environs. Il y a de quoi, les hommes, les jeunes, sont partis à la guerre. Il ne reste que quelques vieillards, des femmes et des enfants qui savent ce quelles risquent et depuis longtemps, tous les mauvais sujets ne sont pas sur le front d’Artois.

Alors, on barricade, on bloque les clenches dans les mentonnets, on claquemure, on bouche soigneusement les interstices, et, entre chien et loup, l’heure dangereuse, on fait, comme au temps où les brigands traquaient par bandes sur le Causse, de grands feux devant lesquels on se terre. On fait aussi la sourde oreille. Les plus vieilles déroulent leurs chapelets et rameutent les saints familiers. Les plus jeunes s’occupent comme elles peuvent, épluchage ou broderie. Elles se sentent toutes drôles dans cette chaleur qui vous prend le devant, une illusion, mais si bonne, tout à l’heure elles se retrouveront dans les draps froids, dans le lit qui leur paraît immense à force d’être vide.
Dehors, sous le matelas de neige, la glace a tout pris en masse, gelé , dirait-on, jusqu’au creux du monde. Pourtant, dans ces solitudes, on aurait presque le coeur assez peureux, ou sec, ou fermé, pour ne pas ouvrir un battant de chêne même si on entend des quintes de toux à fendre l’âme. -. Ouvrez-moi, je vous en supplie, j’ai un enfant !-. Une femme, un enfant ! On n’est pas des bêtes !’‘ Jean- Louis Magnon (Hautes Terres)
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😊⛄️
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Super!
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Féerique.. MERCI
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