»-. On lit dans les livres qu’au temps jadis, un singe parti de Rome pouvait arriver en Espagne sans toucher terre, rien qu’en sautant d’arbre en arbre. Si c’est vrai, je ne sais… De mon temps, seul le golfe d’Ombreuse, dans toute sa largeur, et sa vallée qui s’élève jusqu’à la crête des montagnes, possédaient pareilles forêts foisonnantes. La renommée de notre région n’avait pas d’autre motif.
Aujourd’hui, on ne reconnaît plus la contrée. A l’époque de la descente des Français, on a commencé à couper les bois comme des prés qu’on fauche chaque année. Mais ils n’ont pas repoussé. On croyait que le déboisement tenait aux guerres, à Napoléon, à l’époque, mais il ne s’est pas arrêté. Le dos des collines est si nu que nous ne pouvons le regarder, nous qui l’avons connu jadis, sans un serrement de cœur.

Où que nous allions, autrefois, nous trouvions toujours des branchages et des frondaisons entre le ciel et nous. L’unique zone un peu basse, c’étaient les bois de citronniers. Encore des figuiers dressaient-ils leurs troncs tordus au milieu des agrumes. Plus haut, ils obstruaient le ciel de leurs coupoles aux lourds feuillages. Quand il n’y avait pas de figuiers, c’étaient des cerisiers aux feuilles brunes, ou des cognassiers délicats, des pêchers, des amandiers, puis des sorbiers, des caroubiers, quelque mûrier ou noyer vétuste. Au-delà des jardins commençait l’oliveraie, un nuage gris argent qui floconnait jusqu’à mi-côte. En bas s’entassait le pays, entre le port et le château. » Italo Calvino (Le Baron perché)
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😊🌳
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Un livre que j’ai lu il y a longtemps, une histoire folle, vivre dans les arbres sans jamais plus toucher la terre…
Belles couleurs!
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