Je te fais la bise, tu me fais la bise

Je ne fais pas de bisous aux quidams, je les réserve à mes proches. Les  »fricassées de museau’‘, comme les appelait joliment ma grand-mère, bourgeoise qui aimait garder ses distances, ce n’est pas pour moi. Ce principe, je sais l’appliquer, le dire gentiment mais fermement, et même le revendiquer, et surtout le faire respecter. Mais tout cela, c’était avant…

… car, même si je persiste à croire en mes strictes mesures d’hygiène physique et mentale, à ma bulle, à mon périmètre de sécurité, la bise me manque. Elle me manque par esprit de contradiction, par privation de ma liberté de choix. Et puis tout le monde m’imite, c’est rageant, je ne cultive même plus ma différence.

Trève de plaisanterie. Autant passer à l’acte, je l’annonce à l’ Atelier de peinture du Jeudi, où je n’ai d’ailleurs jamais embrassé personne. -. Je vais mettre mon manque de bisous en peinture. -. Dis, Christine, comment vas-tu t’y prendre pour exprimer une sensation tenue, diffuse, imperceptible ? -. Ah, ah…!– en fait, c’est de la triche, ce thème, je l’ai déjà traité, en personnalisant deux amoureux.

Mon conseil. -. Tout se met en peinture. Il suffit d’avoir un peu d’imagination, et de penser fortement à la situation concrète qui fait écho à l’émotion correspondante, par nature abstraite. -. Il ne faut pas hésiter à exagérer, tant le tracé que la gamme chromatique, si l’on veut que l’oeuvre soit convaincante. -. Tiens, en y réfléchissant bien, un second tableau tiré de ma galerie pourrait faire l’affaire… Je vous fais la bise !