Le Grand Serpent

 »-. Je me réveille à moitié, je me souviens de mon amah Li et de sa voix d’angoisse quand elle me décrivait le Grand Serpent qui peut, en frappant la terre de son trident, s’élever dans les airs dans des sauts de cinq cents mètres, rebondissant chaque fois, indéfiniment. Jusqu’à ce qu’il ait atteint sa victime. Maintenant, j’en suis sûr, il va venir à moi, à travers les continents, pour me dévorer. Je le vois, le Grand Serpent, aux confins du monde, en Chine, soudain cogner le sol de sa queue, comme d’un fouet, et aussitôt monter dans l’horizon, une flèche.

Rien ne l’arrête, ni les montagnes vertigineuses, ni les distances infinies, ni les océans, ni les déserts. Je le sais, il arrive, il est là, il va entrer par la fenêtre. En effet, j’ai ouvert les yeux et je regarde. Un ligament, une longueur, un ténia gigantesque, une sombre lanière, dont l’autre extrémité pend dehors, rampe sans bruit, juste un frottis d’écailles. Un écoulement gros, cosmique, interminable. Le Grand Serpent arrive à moi, et il se love pour frapper. Il en sort un long dard émincé, vibratile, qui frétille de toute la fièvre, de tout l’appétit vorace de cette bête capable de manger le monde. Et ce monstre, qui n’est qu’un ventre, attend sa prochaine lippée. C’est-à-dire moi. » Lucien Bodard (Anne-Marie)

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