»-. Alors je me souvins, avec une précision épouvantable, de quelques mots que Mathilde m’avait dit, plusieurs mois avant sa mort, un matin où elle m’avait fait monter dans sa chambre, dans cette chambre. Elle me parlait de la douleur qu’elle avait ressentie au moment de donner le jour à Alix. Une douleur qui n’était pas seulement du corps, mais de l’âme. La détresse de se sentir absolument seule. Je comprenais, dans la fièvre et le délire, la poignante vérité de ses aveux. Moi aussi, je me sentais seule, seule avec ma douleur. Des ombres et des vivants pouvaient passer devant mes yeux, le médecin, Mathilde, ma mère, la gitane qui, à dix-huit ans, m’annonça prophétiquement mon destin. Mais cela n’avait aucun sens, une seule chose comptait, mon désespoir, ma solitude. J’avançais seule, sur la route de la pire détresse.

Une souffrance effroyable me fendait. Arc-boutée dans mon lit, les ✋ accrochées au dossier dont les sculptures meurtrissaient mes paumes, j’aspirais l’air fétide, l’odeur de pharmacie. Une douleur vivante, une force extraordinaire, tendaient mes muscles. Mon sang, ma vie, coulaient, chauds, le long de moi, tandis que sur mes bras, sur mes jambes, montait un froid terrible. De longues heures, ce supplice continua. Combien ? Je l’ai su ensuite. Vers l’aube, je mis au monde un enfant mort. » Daniel-Rops (Mort, où est ta victoire ?)
Nice post
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Une sombre histoire, un tableau original.
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Terrible récit 😦
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