»-. Le surlendemain, j’arrivai à Gênes. C’était la première fois que je sortais de France, et mon émerveillement ne cessait pas. Je crois que ce qui me frappa le plus, en Italie, fut d’y voir tant de 🏡 peintes de couleurs différentes. Et les collines autour de Gênes, toutes pelées qu’elles fussent, me parurent d’une beauté exaltante. Dans ce paysage, tout nouveau pour moi, en effet, je me sentais une autre personne, capable de grandes choses, de grands poèmes. J’eus l’impression qu’un avenir splendide s’ouvrait devant moi, et que la terre entière me souriait. Ce fut le commencement d’une griserie étrange qui devait durer durant toute la jeunesse.

Gênes, cependant, était une ville qui souriait peu. Ma sœur et mon beau frère habitaient une 🏡 tout en haut d’une rue qui dominait la cité entière et ses environs. De la Piazza Corvetto, on grimpait l’interminable Via Assaroti, au bout de laquelle se trouvait un escalier menant à un pont. Le pont traversé, on s’engageait dans une ruelle, la Via Della Crocetta. Traînant après moi une valise pleine de 💷, je sonnais au numéro 17. Au dernier étage m’attendait Eléonore. L’appartement était vaste, pavé de marbre, avec des murs peints à la chaux. Des volets verts y gardaient jalousement la pénombre, et la fraîcheur qu’on enfermait là comme un trésor dès les premières heures du matin. On me donna une chambre qui me ravit, car il me suffisait de couler un regard entre les fentes des volets pour voir que j’avais la ville entière à mes pieds. Et, dans cette chambre, je m’enfermai. » Julien Green (Jeunes années)
Un tableau joliment coloré.
J’aimeAimé par 2 personnes