»-. Le jour, il y avait des moments où ma sœur Mary se mettait au 🎹 et jouait des airs que je n’ai reconnus que beaucoup plus tard, mais qui m’ont suivi ma vie entière. Assis sur le tapis, je collais mon 👂 à la surface de bois lisse et me sentais pris dans un orage de sons qui me jetaient dans un état extraordinaire où une joie touchant à l’exaltation se mêlait à une agréable frayeur. J’aurais voulu que cela durât, que jamais ne prit fin l’étourdissement que me causait le fracas des accords.

Les plus simples de certaines mélodies se logeaient dans ma mémoire, d’où je pense qu’elles ne sortiront jamais. Et je me les chantais à moi-même, quand je me croyais seul. Ce que j’entendais, je le sais aujourd’hui, c’étaient des sonates de Mozart. Vingt-cinq ou trente ans plus tard, j’ai entendu des pianistes en renom jouer ces mêmes sonates. -. C’est très bien, mais Mary jouait cela autrement-. Tu as raison, ils ne jouent pas comme Mary-. Des années passent encore, et les grands pianistes se succèdent. Lentement, le doute s’est installé en moi, Mary avait sa façon à elle de jouer Mozart. Qui n’était pas nécessairement la meilleure. Je le dis un peu tristement, comme si je trahissais quelque chose. Ou quelqu’un. » Julien Green (Jeunes années)
Beaux souvenirs, joli piano !
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