»-. Dis ? Mon âme ? Où est-elle, qui est-elle, que fait-elle, pourquoi, en ai-je une, pourquoi ? Qu’est-elle devenue, a-t-elle grandi, elle-aussi ? À quoi ressemble-t-elle ? À une gousse d’ail que l’on écrase dans un mortier, ou à un balai que l’on remise derrière une porte ? Et pourquoi, va-t-elle pouvoir un jour chanter, danser, faire résonner ma carcasse comme des claquettes et battre ma peau comme celle d’un tambourin ? Elle est à l’abri depuis toujours, alors qu’elle voudrait avoir froid, je le sais.

Oui. Froid. Et faim, et soif et misère et vie de tout ce qui existe au-delà de cette porte en chêne clouté, et qui n’existe pas pour moi, jamais, d’aucune façon. Et dont je ne sais rien, hormi le ravitaillement dont tu mes gaves, les ordres et les modes d’emploi que tu n’as cessé de me donner, la morale dont tu me graisses, les rênes dont tu me brides et les oeillères dont tu m’aveugles. Cent fois oui, j’aurais préféré être un de ces va-nu-pieds que tu méprises. J’aurais au moins appris la rugosité de la terre. Savoir la valeur de la subsistance que j’aurais arrachée au sol, ressentir la chaleur du ☀️, les averses croulant sur ma tête nue. Tant de peuples relèvent la tête, acquièrent leur liberté. Pourquoi pas moi ? » Driss Chraïbi (La civilisation, ma mère !)
Un texte un peu tourmenté. Joli tableau.
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