Sainte Esclarmonde

 »-. J’étais devenue plus effrayante qu’une pythie, et je prescrivais aux pécheurs des mortifications terribles. La Sainte s’était aigrie en son tonneau de pierre. Comme je me gaussais de ces pénitents qui m’obéissaient de si bonne grâce, et restaient debout, les bras en croix, des jours entiers, à réciter des versets de la Bible en ma chapelle ! J’étais désormais populaire au point que les gens du pays imposaient le silence à ceux qui se plaignaient de ma sévérité. L’abdication de la mort et les belles années de récolte, qui se succédaient depuis ma mise au tombeau, plaidaient si bien en ma faveur que nul n’aurait accepté qu’on me déshonorât.

Ma bénédiction avait la force d’un charme protecteur, on me la quémandait. On nommait les petites filles Esclarmonde, afin qu’elles bénéficient de toute mon attention. On allumait un cierge que j’avais béni dès qu’une nouvelle bête entrait dans l’étable. On mettait à mon crédit tant de guérisons miraculeuses que les paysans d’ici me priaient davantage qu’ils ne priaient la plupart des saints reconnus par l’Église. Et plus j’étais exigeante et mauvaise, plus je me montrais susceptible et imprévisible, plus je leur semblais puissante. Mes caprices, mes folies décuplaient la grâce qu’on me prêtait. » Carole Martinez (Du Domaine des Murmures)

Le conseil de Sainte Esclarmonde. –Je suis un vase où les hommes ont versé leur ombre, et mon contour de verre s’est terni à force de douleurs. J’ai empli mon ❤️ de leurs péchés, de leurs peurs, de leur misère. Et voici qu’il déborde comme une rivière en crue. Mais l’on continue de nourrir la recluse, on continue de jeter ses fautes dans l’eau noire en espérant les y noyer. Ne voient-ils pas que la mesure est pleine ? Ne voient-ils pas que mon ❤️ éclate, et que ma peine ne supporte plus les leurs – ?