»-. Je me suis confié à mes pas. Ils me mènent rapidement et me font longer les quais… des quais. Que d’amorces de ponts ! Par ce brouillard épais, ils semblent lancés vers l’infini. Jetés entre les deux Paris, les ponts sont les charnières de la ville. Un jour très lointain, la capitale aura cessé de plaire, l’oubli soufflera pour l’effacer. Alors, qui sait si, par un subtil miracle, ses deux rives ne se replieront pas l’une sur l’autre, telle une reliure jouant de ses précieuses charnières de pierre et de métal, pour garder intacts les vestiges de la plus belle cité du monde. Oui, grâce à ses ponts, Paris risque d’avoir plus de chance que Carthage la rasée, Babylone l’ensablée ou Ys l’engloutie.

Je traverse la Cité, et, en frôlant les grilles du Palais de justice qui se perdent en hauteur dans la brume, j’ai un mouvement de recul. On dirait un mur de lances plantées du ciel par la ✋ de Dieu. M’éloignant à la hâte du radeau de la Cité amarré en Seine, je souhaite que ses lourdes attaches de pierre cèdent un jour proche, et le laissent partir à la dérive, se perdre à jamais dans l’océan immense avec son chargement de lois. Une fois passée l’insécurité, mon pied retrouve la terre ferme. Il est onze heures. Sans fièvre, les Halles s’éveillent. » Claude Seignolle (Histoires vénéneuses)
Un tableau de Paris plein de fraicheur.
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