». C’est à peu de distance de cette contrée, en aval du Mississippi, qu’on avait jadis fondé un établissement destiné à tanner les peaux de bisons. La matière première ne manquait pas, ces animaux, par dizaines de milliers, labouraient les grandes plaines de l’occident américain. Sur le sol de ce pays, fertile et facile à mettre en valeur, les céréales venaient à profusion. Chaque semaine, des convois descendant le Grand Fleuve venaient décharger leur cargaison sur les appontements de la ville. Durant quelques mois, à la Nouvelle-Orléans, on vivait dans l’abondance. On trouvait dans les magasins de la farine, de la viande de bison et d’🐻 boucanée, des pois, du riz, des tonneaux d’huile et de graisse animale. Dès que les réserves tiraient à leur fin, les magasins restreignaient la distribution, ne vendant qu’au compte-gouttes et au prix fort.

Cette précarité de l’économie n’empêchait pas la bonne société de se gaver de nourriture, de vins et de plaisirs. Le fossé s’élargissait chaque jour entre elle et les basses classes. Les attelages clinquants croisaient des processions de mendiants et de vagabonds. Le soir venu, des fenêtres de leurs demeures princières, entre deux danses ou deux comédies, les nantis pouvaient contempler les visages blafards de la misère dans la clarté jaune des lampadaires à graisse d’🐻. La haute société ne se privait pas de s’engager dans des opérations illégales. -Je sens venir le vent, mon ami, cette pagaille ne durera guère..-. Ce prophète prend ses désirs pour des réalités-. Le gouverneur avait à la Cour de bons amis, qui se faisaient une obligation d’enterrer ces récriminations avant que le ministre ou le Roy en eussent pris connaissance. » Michel Peyramaure (Louisiana)