Le lai du laostic

 »-. Je vous dirai une aventure dont les Bretons ont fait un lai. Son nom est laostic, c’est rossignol en français. Et nithingale en bon anglais. Ils s’aimèrent ainsi longtemps, d’amour réciproque, jusqu’à un soir d’été, quand les bois et les chants reverdissent et que les vergers sont fleuris. Les 🐦, en grande douceur, chantent leur joie parmi les fleurs. Celui qui aime selon son désir, est-ce étonnant qu’il y livre entièrement ? Du chevalier je vous dirai la vérité, il y livre de tout son pouvoir. Et la dame aussi de son côté, toute en parlers et en regards. La 🌃, quand la 🌙 luisait et que son seigneur était couché, souvent elle se levait et s’enveloppait de son manteau. Elle venait se mettre à la fenêtre, car, elle le savait, son ami était à la sienne.

Elle se tint si souvent à la fenêtre, elle se leva si souvent que son seigneur s’en irrita, et maintes fois lui demanda pourquoi elle se levait, et où elle allait. -. Sire, il ne connait pas le bonheur de ce monde, celui qui n’entend pas le laostic chanter, voilà pourquoi je me tiens ici. Je l’entends si doucement, la 🌃, que cela me semble un grand plaisir. Il me charme si bien, je désire tant l’entendre, que je ne puis germer l’oeil -. Quand le seigneur entend ce langage, de colère et de méchanceté il se met à rire. Il lui vient une idée, il prendra le laostic. Il n’est valet dans sa 🏡 qui ne prépare engin, rets ou lacet, ils les placent dans le verger. Pas un coudrier, pas un châtaignier qui ne soit muni de lacets ou de glu. Le voilà pris et retenu. » Marie de France (seconde moitié du douzième siècle)