Promenade dans Soho

 »-. Je vais marcher un peu, merci. Je me rends à Soho pour discuter avec un assassin -. Traversant Soho, il se dirigea vers le Cortez Club. L’esprit plein du souvenir et de l’air pur du Suffolk, il trouva ces rues étroites, pareilles à des gorges profondes, encore plus déprimantes que d’habitude, même à cette heure calme de l’après-midi. Il avait du mal à croire qu’il avait autrefois pris plaisir à s’y promener. Maintenant, même un mois d’absence rendait le retour dans ces lieux intolérable. Indéniablement, c’était surtout une question d’humeur, car ce quartier, où l’on pouvait obtenir tout ce qui s’achète, changeait selon l’état d’esprit de chacun.

On pouvait le voir comme un endroit agréable pour dîner, un petit monde cosmopolite, caché derrière Piccadilly, doté de sa propre et mystérieuse vie de village, le meilleur centre de ravitaillement de Londres, ou la plus vilaine et la plus sordide des pépinières de criminels. Même les chroniqueurs touristiques étaient incapables de trancher. Passant devant les boîtes de striptease, les escaliers de sous-sol sales, les silhouettes de filles désœuvrées derrière les stores des fenêtres des premiers étages, il se dit qu’une promenade quotidienne dans ces rues affreuses pouvait inciter un homme à entrer au monastère, moins par dégoût de la sexualité que par l’insupportable ennui qu’engendraient l’uniformité et la tristesse de la luxure. » Phyllis Dorothy James (Sans les ✋)