»-. La même raison qui le faisait parler de raser le manoir l’incitait à entretenir à la perfection le vieux moulin seigneurial. Pour les plus fidèles de ses clients, qu’il avait refusé de céder à son fils, il s’amusait à le faire tourner, à la seule force de l’eau et du jeu de la pierre. Contre toute raison, en dépit même de la logique qui le poussait à lâcher son or pour la rénovation de ses deux autres biefs, il perpétuait ici, au seuil de la vieillesse, ses tours de ✋ de magicien des meules. Il continuait de se déplacer devant la roue avec son allure de donjon en marche, fier de ce bien acquis sur un vieil ennemi à force de patience et d’intrigue. Acharné à vivre, tant qu’il pourrait prélever, entre la moisson et le 🍞, le droit de l’eau, le tribut que la famille Monsacré, depuis des années, prenait à la vallée.

Il prétendait qu’avec ses vieux engrenages il pouvait moudre mieux que les moteurs de son fils, parce que – Hugo, s’exclamait-il, n’avait pas son pouce d’or, le pouce meunier, large comme une spatule-. Il exhibait ses doigts devant les quelques clients qu’il s’était réservé, des paysans usés qui préféraient admirer le pouce du vieux Monsacré, sa ✋ bleuie par les éclats du 🔨 sur la meule, plutôt que d’affronter le monde en changement, les métayers fatigués de louer les terres, les journaliers qui rêvaient de la ville. Monsacré, lui, n’avait peur de rien. Ou il dissimulait l’étendue de ses craintes, il les confondait avec sa peur de la mort. » Irène Frain (Secret de famille)
Belle histoire, un tableauoriginal !
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