»-. En 1896 ou 97, tu dois te rappeler la date exacte, notre beau-frère, le baron Philippot, mourut. Ta sœur Marinette, en s’éveillant le matin, lui parla et il ne répondit pas. Elle ouvrit les volets, vit les yeux revulsés du vieillard, sa mâchoire inférieure décrochée, et ne comprit pas tout de suite qu’elle avait dormi, pendant plusieurs heures, à côté d’un cadavre. Je doute qu’aucun de vous ait senti l’horreur du testament de ce misérable. Il laissait à sa femme une fortune énorme, à condition qu’elle ne se remariât pas. Dans le cas contraire, la plus grosse part en devait revenir à ses neveux. -. Il va falloir beaucoup l’entourer. Heureusement que nous sommes une famille où l’on se tient les uns les autres. Il ne faut pas laisser seule cette petite-.

Marinette avait une trentaine d’années à cette époque. Mais rappelle-toi son aspect de jeune fille. Elle s’était laissé marier docilement à un vieillard, l’avait subi sans révolte. Vous ne doutiez pas qu’elle dût se soumettre aisément aux obligations du veuvage. Vous comptiez pour rien la secousse de la délivrance, cette brusque sortie du tunnel en pleine lumière. Il était naturel de souhaiter que ces millions demeurâssent dans la famille, et que nos enfants en eussent le profit. Vous jugiez que Marinette ne devait pas perdre le bénéfice de ces dix années d’asservissement à un vieux mari. – Te souvenais-tu d’avoir, naguère, été une jeune femme ? Non, c’était un chapitre fini, tu étais mère, le reste n’existait plus, ni pour toi, ni pour les autres-.’‘ François Mauriac (Le nœud de vipères)
Ping : Madame Veuve Marinette Philippot — L’atelier peinture de Christine – Le Vélin et la Plume
Une histoire cruelle ! Joli portrait, plein de poésie.
J’aimeAimé par 1 personne