»-. Voyez-vous, mon cher, il n’est guère d’homme qui ne possède des enfants ignorés, ces enfants dits de père inconnu, qu’il a faits, comme cet 🌲 reproduit, presque inconsciemment. S’il fallait établir le compte des femmes que nous avons eues, nous serions, n’est-ce pas, bien embarrassés, de dix-huit à … ans, enfin, en faisant entrer en ligne les rencontres passagères, les contacts d’une heure, on peut bien admettre que nous avons eu des rapports… intimes avec deux ou trois cents femmes. Eh bien, mon ami, dans ce nombre, êtes-vous sûr que vous n’en n’ayez pas fécondé au moins une ? Et que vous ne possédiez point, sur le pavé, ou au bagne, un chenapan de fils qui vole et assassine les honnêtes gens, c’est-à-dire nous. Ou bien une fille dans quelque mauvais lieu. Ou peut-être, si elle a eu la chance d’être abandonnée par sa mère, cuisinière en quelque famille.

Songez, en outre, que presque toutes les femmes que nous appelons publiques possèdent un ou deux enfants dont elles ignorent le père, enfants attrapés dans le hasard de leurs étreintes à dix ou vingt francs. Dans ce métier, on fait la part des profits et pertes. Ces rejetons-là constituent les pertes de leur profession. Quels sont les pères ? Vous, moi, nous tous, les hommes dits comme il faut. Ce sont les résultats de nos joyeux dîners d’amis, de nos soirs de gaité, de ces heures où notre chair contente nous pousse aux accouplements d’aventure. Les voleurs, les rôdeurs, tous les misérables, enfin, sont nos enfants. » Guy de Maupassant (Contes de la bécasse)
Intéressant ! Joli tableau.
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