Le Champ de la Mort

 »-. Le Champ de la Mort dominait le plus beau point de vue du Bosphore et de toute l’Asie. C’était une épaisse forêt de cyprès, d’acacias et de sycomores, et de loin les monuments funéraires blancs ressemblaient à d’immenses temples en ruines. Comme les Ottomans étaient nés de l’Asie, dans la mort ils se tournaient vers elle.

Lorenzo décida de couper par le cimetière, pour se rendre à l’Arsenal où on l’avait convoqué. L’ombre et la paix y étaient telles qu’on avait l’impression de rentrer dans une grande cathédrale à demi illuminée. Chaque pierre, posée à l’horizontale, portait des inscriptions régulières et élégantes en arménien ou en grec. Et, pour la plupart, une sculpture symbole de la profession du défunt, un 🔨, une faux, des plumes, des colliers. Un banquier était représenté par une échelle, un prêtre par une mitre, un chirurgien par un scalpel. Il passa près d’une pierre tombale sur laquelle était sculptée une tête séparée de son tronc. La tombe de quelqu’un qui avait été assassiné. » Barbara Chase-Riboud (La Grande Sultane)