»-. Je dois dire qu’autour de nous tout le monde rétrécit. Dans sa candeur naïve, Mariette a voulu, une fois, organiser une sauterie d’amis. À cet effet nous avons dressé une liste. Là, déjà, apparut le déchet. Louis venait de se tuer en auto, Armand, d’être nommé juge suppléant à Nice, Gaston, redoutable pince-fesses, était devenu impossible. Micheline enceinte de huit mois –et d’un aimable inconnu -, Odile au couvent, deux filles et trois garçons mariés hors de la ville devaient être rayés tout de suite. Mariette invita le reste, une vingtaine de personnes. Cinq s’excusèrent. Deux ne répondirent pas.

Treize vinrent, qui furent quinze grâce à deux femmes imprévues, l’une légitime, l’autre très provisoire. Admirable réussite ! La plupart des gens ne se connaissaient pas. Personne ne trouvait le ton juste. Les uns se conduisaient comme des frappes, les autres en mondains ennuyés. Tout le monde s’éclipsa avant minuit, sauf le couple qui ne l’était pas, parfaitement saoul, et que Mariette ulcérée dut faire coucher dans son lit, tandis qu’avec Gilles, je ramassais les mégots et les verres cassés. Ceci a sonné le glas de nos amitiés de jeunesse. Mariette a pourtant beaucoup copiné. Mais si j’excepte la douzaine de filles qu’elle croise, qu’elle interpelle, qu’elle embrasse sur les deux joues, qu’elle invite, qui l’invitent -il faut qu’on se voie, tu me téléphones – et qui, les talons tournés, se retrouvent noyées dans la foule, elle n’a plus que trois vraies amies, Mathilde, confidente épistolaire, Émilie, qui l’entraîne dans les magasins, Françoise, inévitable. De mon côté, même hécatombe. Les amis qui ne sont pas tombés au niveau des relations, je pourrais maintenant les compter sur les doigts d’une ✋, et encore il faudrait que je m’en coupe. » Hervé Bazin (Le matrimoine)
Joli tableau.
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