»-. Nous marchions. Cinq à six heures par jour dans les bois voisins, au bord du Rough Roerg ou dans la solitude brûlée des tourbières. À certains moments, nous parlions beaucoup, à d’autres pas du tout. Il avait lu un peu et, très curieusement, ses connaissances s’arrêtaient au dix-neuvième siècle américain. Il aimait Henry David Thoreau et citait souvent Walden ou la vie dans les bois, auquel j’avais autrefois fait de grands efforts pour m’intéresser.

En revanche, nous pouvions parler longtemps de Walt Whitman, dont le lyrisme priapique nous réchauffait quand nous restions debout dans l’eau, à guetter les 🦆. Le poésie de Whitman manque d’espace en Irlande, mais elle exprimait assez bien l’enthousiasme de l’homme devant la nature et sa confiance en lui-même. Jerry savait aussi par ❤️ des pages d’Emerson, philosophe mineur à la pensée aristocratique dont le mérite est d’avoir été le premier à distinguer Whitman. Il me parla un jour d’Hawthorne, qui m’intéressait moins qu’Henry James, Allan Poe ou Melville, à peu près inconnus de lui. Quelques professeurs lui avaient donné des bribes de culture, des repères, mais cette culture restait inachevée, jamais Jerry n’avait eu la curiosité de suivre un fil, de compléter ces connaissances éparses… » Michel Déon (Un taxi mauve)
Belle histoire, beau tableau.
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