Le petit monde de Picasso

 »-. Pour Picasso, le monde possède un double aspect. Il est d’abord courbe, et proche, c’est lui qui est, plastiquement, le plus près de certaines hypothèses géométriques de Riemann et d’Einstein. La vision spatiale de Picasso reste successive, elle associe, en les juxtaposant, des détails qui se groupent autour d’une représentation exploratrice du monde. Les notions de voisinage sont ici dominantes. Cet art est extraordinairement moderne et suggestif.

Picasso est novateur. À Antibes, il jette sur la toile des signes dépouillés, qui nous permettent de retrouver sur le plan intellectuel, à travers une figure -signe intermédiaire – certains spectacles familiers au peintre et au spectateur. Il reste que, si, pour un Français de 1950, des compositions d’Antibes évoquent les plages de Cannes, ou de Juan-les-Pins, il sera très difficile au visiteur de l’an 3.000 de voir les éléments naturels, positifs, sur lesquels s’est édifiée l’oeuvre de Picasso. De ce point de vue, elle garde un caractère d’hypothèque.

Mais il est certain qu’elle nous propose un système de représentation imaginaire d’une extrême richesse, pour autant qu’un système aisément lisible puisse s’établir entre l’artiste et la foule. Notons qu’une pareille possibilité est loin d’être exclue, combien d’arts reposent sur de pareilles ententes. Les mystères ont toujours fasciné les hommes. Qu’il s’agisse de rites ou de fables, l’homme de la rue a toujours été sensible au symbole. C’est mépriser la foule que de la croire seulement capable d’académisme. » Pierre Francastel (Études de la sociologie de l’art)