»-. Victor Tatin était vertueux sans effort. Dans la vaste administration où il exerçait les fonctions de chef de bureau, les employés le considéraient comme un homme d’élite et goûtaient du plaisir à exécuter ses ordres. Ennemi des recommandations et des complots de couloir, il n’avait pas eu la carrière qu’il méritait. Mais il se consolait de cette disgrâce en songeant qu’il vaut mieux être un chef de bureau sans reproche qu’un directeur arrivé à son poste grâce à de louches manœuvres politiques.

Son obscurité lui était douce. Il se contentait de peu, ne jalousait personne, et travaillait sans négligence comme sans ardeur malsaine. Autour de lui, dans un rayon de plusieurs mètres, le parfum de ses qualités embaumait ses collègues. On citait des cas de contagion morale chez le personnel placé sous ses ordres. Tel commis, qui avait dérobé son stylo bille quadricolore, le lui rapportait spontanément avec des paroles de contrition. Telle femme de mauvaise vie, qui avait pris l’habitude de l’accoster au coin de la rue de la Bûchette, renonçait délibérément à son commerce. D’autres miracles accompagnaient ses pas. Victor tatin se désolait de ne pas retrouver chez son fils aucune de ses propres qualités. Il regrettait de ne pas s’être engendré lui-même. » Henri Troyat (Les ailes du 😈)
Surprenant personnage, un portrait original !
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