Humour noir

 »-. Il s’étendit sur son matelas et se proposa différents moyens de mettre fin à ses jours, d’autant plus avidement qu’il était bien trop douillet pour se tuer. Gaz ? Non… Pistolet ? Non… Poison ? Encore moins… Ajouter la souffrance à la mort, jamais. Pendaison ? Non… Refus d’écouter, fût-ce un éclair d’instant, se briser net les petits ossements cervicaux. Noyade ? Impossible… Avaler d’abord le tiers de la mer et livrer sa chair aux pinçons des 🦀, merci bien ! Le mieux reste le suicide à l’amiable. Un autre vous tue quand on ne s’y attend pas. Les bons offices irrémédiables d’un vieil ami qui vous trouve petite mine et se dit. -. Le pauvre, il est foutu. Si je ne fais rien pour abréger ses souffrances, il va nous les traîner un interminable bail, autant le flinguer maintenant. Je t’aime, je te tue, adieu l’ami –.

Déroulement des obsèques, ma dépouille arbore un habit de mendiant, un frac à la rigueur. Je ferai coucher cette volonté sur mon testament. Il pleut. Ça aussi je l’exigerai devant notaire. Inhumation pluvieuse et venteuse, aucun ☀️ en perspective avant plusieurs jours. Tendance ultérieure du temps, pourrie. Cimetière à la campagne et pique-nique au bord de la route après la cérémonie. Au menu, ces champignons dits tabourets de Satan, que l’on trouve en Corse à l’automne. Goût d’algue et luisance de marbre, un délice. Fromage à volonté. Consigner le menu sur mon testament. Informer tous les avocats, avoués, curateurs et divers successeurs, s’il s’en présente, que l’harmonie du fromage et des vins se nomme épousailles.

Les obliger tous à faire bombance après la mise en terre. Beaucoup de femmes et des plus inconsolables. -. Il était le meilleur d’entre nous malgré ses défauts. Un monstre délicat…-. Embrassements entre les maîtresses réconciliées. Voeux de fidélité à perpétuité à feu ma pomme. -. Un autre homme après lui ? Jamais -. La journée s’achève, et chacun chez soi. De nouveau le fil du temps. » Yann Queffelec (Le Maître des Chimères)