»-. Je crois que tous mes invitĂ©s sont arrivĂ©s. Maintenant, Monsieur van Beethoven, si vous voulez commencer…-. Sans un mot, sans mĂȘme s’incliner pour remercier la princesse, il s’installa au clavier, leva les yeux au plafond pour un dernier et court recueillement, puis ses doigts Ă©crasĂšrent littĂ©ralement les touches. Les cordes vibrĂšrent, leurs sons nous parurent discordants, l’instrument tout entier semblait gĂ©mir. Nous nous regardions, consternĂ©s. Quarante ans, presque, se sont Ă©coulĂ©s depuis cet aprĂšs-midi, et de tous ceux qui Ă©taient rĂ©unis chez le đ€Ž, je suis le seul survivant. Pourtant je me souviens, comme si c’Ă©tait hier des sentiments que j’Ă©prouvai.


D’abord, j’Ă©tais mi-indignĂ©, mi-amusĂ©. -. Vandale, quel rustre est-ce lĂ , qui ne connaĂźt ni style ni mesure !-. Ensuite, je me dis qu’il ne fallait peut-ĂȘtre pas conclure trop rapidement. Bien malgrĂ© moi, je commençais Ă me sentir sous le charme, et je me le reprochais. Je luttais, dĂ©cidĂ© Ă ne pas me laisser aller Ă ces fallacieuses Ă©motions. J’ignore combien de temps il joua. Le soir tombait lorsqu’il termina. La tĂȘte inclinĂ©e et les â jointes entre les genoux, il resta assis au đč, regardant dans le vide. Des mĂšches emmĂȘlĂ©es de ses cheveux noirs lui cachaient une partie de son visage. -. Je ne puis dire Ă quel point vous nous avez Ă©mus. Vraiment, vous avez l’inspiration divine…-.


-. Oui… Vous ĂȘtes trĂšs aimable, et maintenant, permettez-moi de m’en aller. Je suis incapable de parler en ce moment, veuillez m’excuser, je vous prie-. Juste ciel, quel rustre !-. Un rustre, peut-ĂȘtre, mais un gĂ©nie. Il remĂ©dierait bientĂŽt Ă son manque de maniĂšres, si seulement il s’en souciait un peu. Je ne crois pas que ce soient les bonnes maniĂšres qui lui fassent le plus dĂ©faut. Cela fend le â€ïž de sentir les difficultĂ©s et la solitude dans lesquelles il vit…- Carl von Pidoll (La vie passionnĂ©e de Beethoven)


Belle série de tableaux pour illustrer cette histoire !
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