En pays ennemi

 ». Walter Schnaffs demeura d’abord immobile, tellement surpris et éperdu qu’il ne pensait même pas à fuir. Puis un désir fou de détaler le saisit, mais il songea qu’il courait comme une 🐢. Alors, apercevant à six pas devant lui un large fossé plein de broussailles couvertes de feuilles sèches, il y sauta à pieds joints, sans même songer à la profondeur, comme on saute d’un pont dans une rivière. Il entendit encore pendant quelque temps des détonations, des cris et des plaintes. Puis les clameurs de la lutte s’affaiblirent, cessèrent. Tout redevint muet et calme. Soudain quelque chose remua contre lui, il eut un sursaut émouvant. C’était un petit 🐦 qui, s’étant posé sur une branche, agitait des feuilles mortes.

La 🌃 venait, emplissant d’ombre le ravin. Le soldat se mit à songer. Qu’allait-il faire ? Qu’allait-il devenir ? Rejoindre son armée ?… Mais comment, mais par où ? Et il se trouvait ainsi tout seul, en armes, en uniforme, sur le territoire ennemi. Des frissons lui couraient sur la peau. Soudain il pensa -. Si seulement j’étais prisonnier !- et son ❤️ frémit de désir, d’un désir violent, immodéré, d’être prisonnier des Français. Il serait sauvé, nourri, logé, à l’abri des balles et des sabres, sans appréhension possible, dans une bonne prison bien gardée. Prisonnier, quel rêve ! Et sa résolution fut prise immédiatement. -. Je vais me constituer prisonnier-. Où allait-il se constituer prisonnier ? Comment ? De quel côté ? Il allait courir des dangers terribles en s’aventurant seul, avec son casque à pointe, par la campagne… » Guy de Maupassant (Contes de la bécasse)