
»-. Laure d’Astarac enseigne la littérature française en classe de khâgne au lycée Saint-Sernin. Je la revois préparant l’agrégation de lettres, chez elle. Je la trouvais toujours, agrégation oblige, dans sa bibliothèque, en l’occurrence le cabinet de son père dont elle avait modifié en partie le mobilier. Elle avait remplacé son bureau Empire par un bureau Louis Seize, placé près de la cheminée une bergère du même style, et installé une bibliothèque en merisier massif dans laquelle trônait l’intégrale de Balzac, romancier qu’elle défendait pour m’agacer en citant Baudelaire…


…et Victor Hugo, bien sûr, et quelques Vernon Sullivan que je feuilletais, assis dans un fauteuil crapaud, devant la grande porte-fenêtre donnant sur la cour intérieure et le jet d’eau, pendant qu’elle compulsait La Syntaxe du Français Moderne, de Georges et Robert Le Bidois. Sa ✋ blanche et fine marquait des croix dans la marge des pages, soulignait des paragraphes entiers, rédigeait des dissertations fleuve en respectant scrupuleusement les lois du genre, thèse -antithèse -synthèse, et en inventant si nécessaire quelques citations dont le correcteur n’avait aucune raison de remettre en cause l’authenticité.


Un faux Camus lui avait même valu une remarque des plus flatteuses. Laure, à sa table de travail. Laure, son emploi du temps, ses fiches d’ancien français, ses pâtes d’amande. Laure qui voulait l’agrégation, et qui l’obtiendrait. Je m’arrêtai devant le lycée Saint-Sernin, juste à hauteur du portail. Laure apparut sur le perron du porche qui domine la cour intérieure. Laure sur le perron. Son tailleur noir, sa veste épaulée, rehaussée par un foulard de soie bleu dur. » Christian Laborde (L‘Os de Dionysos)


Une belle histoire, beaux tableaux pour l’illustrer !
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