Viens chez moi, j’habite à la Luarca

 »-. Les matadors du deuxième ordre habitaient la pension, parce que la 🏠 de Calle San Jeronimo avait une bonne réputation, que la nourriture y était excellente et le prix de pension peu élevé. Pour un torero, il importe de donner l’apparence, sinon de la prospérité, tout au moins de la respectabilité, decorum et dignité ayant le pas sur le courage dans l’échelle des vertus les plus hautement estimées en Espagne. Jamais on n’a vu un toreros quitter la Luarca pour habiter un hôtel meilleur, ou plus cher. Un toréador de deuxième ordre ne devient jamais un toréador de premier ordre. Mais la descente de la Luarca était rapide, du fait que le premier venu gagnant le moindre argent pouvait y loger, et que jamais on ne présentait de note au client sans qu’il l’eût demandée. Jusqu’à ce que la logeuse jugeât que la situation était vraiment désespérée.

Au moment qui nous occupe, il y avait trois matadors qui habitaient la Luarca, en même temps que deux très bons picadors et un excellent banderillo. La Luarca était un luxe pour les picadors et les banderillos, qui devaient se loger à Madrid durant la saison de printemps, leurs familles habitant Séville. Mais ils étaient bien payés, et à la solde fixe des toreros qui allaient tenir l’affiche pendant la saison prochaine. Et chacun de ces trois subalternes se ferait probablement plus d’argent qu’aucun des trois matadors. Des trois, l’un était malade et cherchait à le cacher. L’autre avait vu passer son heure de vogue en tant qu’attraction nouvelle. Et le troisième était un poltron. » Ernest Hemingway (La capitale du monde)