La saison de la Bête

 »-. Il avait retardé tant qu’il avait pu l’ouverture des grandes chasses. Mais c’était la saison de la Bête, et il avait bien fallu donner une date aux hommes nus des soukalas, qui devenaient impatients. -. La viande est mûre… Les petits nains se cachent déjà sous les marmites-. C’est une croyance du pays Lobi, du Soudan et de la Côte-d’ivoire. Quand les éléphants remontent du Sud et viennent jusqu’aux frontières du Bambassou, ils reconnaissent les falaises rouges, les vallons profonds comme des chaudières où semble bouillir et se gonfler la croûte de crème verte de cette belle herbe dont ils sont friands. Ils montent vers dankana, et, de là-haut, aperçoivent les villages des chasseurs de viande.

Alors, ils se secouent dans le vent, comme pour faire tomber leur vermine. Ils s’épucent de tous ces nains, gros à peine comme des grains de sable, qui vivent dans les plaques de boue séchée de leur cuir, et surtout dans les replis et trous de leurs oreilles. Ce sont les nains des éléphants… Ils savent ce que les seigneurs attendent d’eux. Et les voilà partis comme des fourmis dans l’herbe, jusqu’aux villages des chasseurs Lobi. Mais les hommes aussi se méfient. Ils savent que les nains sont entrés dans les soukalas, et qu’ils ont, selon leur habitude, cherché une cachette dans le ventre noir des marmites. Parce que c’est autour des 🔥 que les langues marchent. Et les nains écoutent tout ce que les hommes disent. – Ils doivent bien parler de la grande chasse, puisque c’est la saison…- » René Guillot (Marouana du Bambassou)