Mes ami(e)s, l’heure est triste, sortez vos blancs mouchoirs !

Avez-vous remarqué comment, et combien, peu à peu, la couleur disparaît de notre vie quotidienne ? Mon père avait une voiture bleue, ma bicyclette était rose, ma chambre d’adolescente était peinte du plus bel 🍊 et mon vestiaire était peu ou prou raccord avec le décor. J’avais alors le sourire aux lèvres, et, en dépit des vicissitudes de la vie quotidienne, je l’ai gardé. Tout comme j’ai conservé mon goût pour la couleur, les couleurs, toutes les couleurs. Ça tombe bien, je suis peintre !

Ne croyez pas qu’il soit aisé d’être peintre en couleurs ! Je nage à contre-courant de la mode, de la décoration, de l’architecture, de la nouvelle cuisine et même de l’art. Manifestement, cette tendance se confirme d’exposition en exposition, mes consœurs et confrères ont sorti leurs mouchoirs, du plus beau blanc impersonnel, à l’enterrement de Dame Couleur. Leur gamme chromatique oscille entre gris léger et noir pesant, à peine illuminés d’une touche de jaune pâle, pour faire soi-disant vibrer une luminosité qui peine à exister… Ne croyez pas que j’exagère, sur leurs toiles, la mer elle-même n’est plus bleue, cela ferait vulgaire, barbouilleur au rabais ou pire, imposteur. Tant pis pour le poète, la mer a désormais toutes les nuances de l’eau sale, triste, visqueuse, mazoutée, malodorante. Le tableau se doit d’être aussi triste et sinistre que l’époque que nous vivons, incolore, inodore, sans saveur ni valeurs. Bientôt, on peindra à l’encre sympathique, vous savez, cette encre qui s’auto éfface commodément au bout de quelques heures…

Mon conseil. Si, comme moi, vous aimez les ambiances qui claquent, les tonalités qui s’interpellent, les tons qui détonnent, les atmosphères ☀️ plutôt que 🌙, les humeurs vitaminées, réagissez ! Bientôt, nous vivrons dans un monde aseptisé. Ou, pour faire comme tout le monde, pour revendre au mieux son bien immobilier, son véhicule et même son smartphone, on passera par cinquante nuances de gris sans jamais trouver la sienne.