New-York, oh ! mon New-York !

 »-. La rue à New-York est sale. Il suffit, pour abolir la différence entre les beaux quartiers et les bas quartiers, qu’un coup de vent vide de ses papiers gras les corbeilles sans couvercle. Le chauffage urbain agite, au milieu du pavé, été comme hiver, de molles vapeurs. L’enlèvement des ordures ménagères, affaire municipale, a lieu deux fois par semaine. Libre au citadin de souscrire un abonnement à une entreprise privée qui s’occupera de vider ses poubelles. L’enlèvement s’opère à n’importe quelle heure du jour ou de la 🌃. À l’exception de Park et de Fifth, les avenues qui se croisent à travers l’île de Manhattan donnent une impression de désordre. Les 🏡 misérables, aux façades noires ou rouges que l’escalier d’incendie barre d’un Z sont écrasées par les grands immeubles récents, d’une blancheur de céramique. La ville fait parfois penser aux agglomérations du Proche-Orient ou du Moyen-Orient, plus chantiers que cités.

Nous habitons le type même de la bonne adresse. À force de me promener le long de Madison avenue, je connais chacune de ses devantures. Les galeries de peinture y sont très nombreuses. Une galerie qui offre chaque semaine aux passants l’énigme d’un Léonard de Vinci ou d’un Rembrandt, fraîchement découverts, voisine avec un boulanger-pâtissier à qui on livre, par camionnettes entières, petits 🍞 et 🍰 fabriqués industriellement. Au coin de la rue. On a fait d’une pierre deux coups en transformant son restaurant en galerie. Dès cinq heures et demie, les solitaires sont attablés devant leur dry martini. L’éclat, la taille et l’originalité des chapeaux féminins éclipsent les affreuses croûtes accrochées aux cimaises. Quoiqu’on porte, quoiqu’on fasse, aux États-Unis on ne saurait être ridicule. » Agnès Chabrier (Mémoires d’un avenir proche)