»-. Le voyageur poursuivit sa promenade, il glissait dans l’espace, parfois les pieds en l’air, ou le ventre à l’horizontale, pelotonné comme un flocon, ou étendu à la façon d’un 🐦 planeur. Il entrait, la tête la première, dans les chambres fermées à triple tour, découvrait les hommes au moment où ils abandonnent leurs attitudes et se montrent tels qu’ils sont. Les hommes et les femmes seuls, et les ménages qui depuis des années ne se cachent plus rien, se déshabillaient devant l’invisible témoin. Peut-être les montrait-on plus laid qu’ils n’étaient en réalité, déformés, écroulés, enflés, décolorés.

Il vit le linge gris quitter des peaux grises, dénuder des cuisses maigres, tordues, des ventres gonflés où l’ombilic pointait. Des plaques noires marbraient les pieds. Des seins énormes flottaient comme 🐕 en Seine. D’autres, plats, rampaient jusqu’au sol. Des orteils aux ongles vifs s’emmêlaient sous les lits, des bras osseux se dépliaient, se repliaient, menaçaient les murs de leurs coudes. Des chevelures verdâtres étalaient sur les oreillers leurs pseudopodes visqueux, des ✋ pendantes grattaient des forêts de poils, touchaient des sexes flétris. Avant de se coucher, l’épicière, dans son arrière-boutique, enlevait à chaque ration de café deux grains gros comme des 🍞, trois briques de sucre à chaque kilo. » René Barjavel (Le voyageur imprudent)
Un livre que j’ai lu il y a longtemps, une étrange histoire ! Belle fenêtre.
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