»-. Ce n’est pas par hasard qu’il n’a convoqué que nous-. Mais il ne sait rien. Il n’a posé aucune question sur ça -. Le ça pudique fit baisser toutes les têtes, tandis qu’ils se souvenaient. Jamais ils n’avaient reparlé du dimanche après-midi où ils avaient commis ensemble le forfait pour lequel ils craignaient de payer aujourd’hui. Ce jour-là, dès le début de la promenade, ils avaient bu du vin à leurs gourdes en faisant assaut de vantardises. Ils parlaient haut, riant plus fort encore et cherchaient noise les uns aux autres. Qui avait proposé à ses camarades de suivre Pastou et Gaillarde lorsqu’ils s’étaient éloignés du sentier ? Ils ne s’en souvenaient pas.

Et ils avaient oublié aussi lequel d’entre eux avait dit . – Il en reste pour nous ?-, en voyant la jeune fille allongée, les jupes relevées sur ses belles jambes, répondre avec passion aux baisers du berger. Ils avaient agi très vite, sans se concerter. Pendant qu’ils se mettaient à deux pour maîtriser Pastou, leurs compagnons violaient tour à tour Gaillarde sans défense. Quand le dernier se fut rajusté, ils lâchèrent le berger, mais celui-ci, fou de rage, se jeta sur eux à coups de pieds et de poings. Ils étaient sept, il ne résista pas longtemps. Ils le laissèrent pour mort dans une grotte voisine et abandonnèrent sur le causse Gaillarde, folle de douleur. Ils avaient enterré cette histoire au fond de leurs mémoires, et leurs consciences, peu sourcilleuses, ne les tourmentaient pas souvent. Après tout, ils avaient été généreux avec Gaillarde, une fille pauvre qui était maintenant la mieux habillée du village. Le seul qui avait eu du mal à vivre avec le souvenir de son crime était Jourdain. » Maryse Rouy (Les bourgeois de Minerve)
Terrible histoire ! Joli portrait de jeune fille.
J’aimeAimé par 1 personne