Le radeau de la Belle Espérance

 »-. À l’instant précis où il s’accrochait au radeau, la Belle Espérance bascula. Les mâts fouettèrent la mer et une montagne d’eau s’abattit sur le radeau, aplatissant contre le bois les corps des gens terrorisés. Il y eut un engloutissement glacé. Un bruit énorme de tonnerre, un roulement, mille et mille gifles colossales et le craquement sinistre du bois écrasé. L’eau déferla. Un reste de jour livide glissait une lame de métal vert-de-gris entre deux nuées noires, très loin vers l’ouest, où se trouvait le Nouveau Monde. Au fond de ces gorges éphémères, la peur ouvrait sa gueule. Elle serrait à ce point les poitrines que tout se jouait sans un cri. Seuls hurlaient de rage le vent et l’océan.

50x50cm  » Fluctuat nec mergitur  », galerie Laissez-moi vous conter la mer

Au moment précis où la Belle Espérance se retournait, s’était levé l’appel horrible de ceux qui n’avaient pas pu se tenir au radeau. Engloutis par l’énorme remous, entraînés vers les profondeurs sans bornes par le vaisseau perdu, ils avaient disparu dans l’instant même du naufrage. La surface entière du plateau était couverte de corps allongés, recroquevillés, vrillés dans les pires positions. Le marins avaient saisi tout ce qui faisait saillie, certains étaient parvenus à s’insinuer entre bois et cordages, d’autres se cramponnaient, les muscles bandés, le visage déformé par la terreur. La voix de l’aumônier tenta de se faire entendre. -. Priez avec moi, Seigneur tout…- Une lame plus haute et plus nerveuse que les autres claqua comme un coup de canon. Lorsqu’elle eut déferlé, le prêtre crachait. » Bernard Clavel (Compagnons du Nouveau Monde)

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