Bannie !

 »-. Vaincue, elle traversait le village pour la dernière fois, avec, à la ✋, le petit baluchon que Guillemette avait fait pour elle. Elle avait mis dedans tout ce qu’elle avait trouvé, mais l’or n’y était pas, qu’elle avait caché derrière une solive du plafond de sa 🏡, et dont la femme ignorait l’existence. Pour l’or, c’était trop tard, il était perdu, comme le reste, et elle allait commencer sa nouvelle vie complètement démunie. Malgré la lourde atmosphère orageuse, qui la surprit après la fraîcheur de la prison, elle marcha le long de la Grand-Rue d’un pas rapide et exagérément ferme, la tête bien droite et un sourire de défi collé sur le visage. Seule sa démarche un peu mécanique prouvait que son aplomb était factice. Mais ce signe de vulnérabilité n’émut que Guillemette, qui s’obligea à réprimer un mouvement de pitié, de crainte d’être associée à la proscrite.

La chaleur qui écrasait le village n’avait pas découragé les Minervois d’aller jusqu’aux remparts. Ils étaient tous là, pour assister au départ de la brebis galeuse qui était le dernier obstacle à une existence sans menace. Quand on ne vit plus Gaillarde, qui s’était engagée dans le passage couvert, on entendit ici et là quelques rires joyeux. Ils la regardèrent traverser le lit à sec de la rivière et remonter la falaise jusqu’aux vignes. Brusquement, elle se retourna et brandit le poing, tandis qu’un coup de vent faisait claquer sa jupe. Elle parut immense dans l’orage qui commençait. Impressionnés, ils se turent. C’est alors qu’elle les maudit, d’une voix vibrante de haine, qui se répercuta longuement sur les parois de la gorge, et qui résonnait encore après qu’elle eût disparu, tonnant comme une menace sur la paix retrouvée. » Maryse Rouy (Les bourgeois de Minerve)