»-. La cousine Sabote exerçait à Strasbourg des fonctions paroissiales à temps plein, qui lui garantissaient couvert, gite et messe dans une cité paisible, à proximité des Hospices Civils où le clergé remisait les vieux prêtres. Bienfaitrice à toutes ✋ des oeuvres pies, elle incarnait la bête-à-bon-Dieu, n’ajoutait foi qu’aux vertus aumônières, et, sans bigoterie ni trémolos grégoriens, se faisait un bonheur du malheur d’autrui. Laveuse de vieillards, berceuse de clochards, infirmière et soeur des pauvres, elle opérait des traversées lumineuses au sein des pires noirceurs, visitait les drogués, les fous, les perdus, les taulards auxquels, en douce, elle refilait des 🍬 à la violette où poussaient des brins de laine.

Elle était laide et voûtée, marchait suspendue sur d’amples foulées rappelant celles du 🐫 dont elle possédait aussi les yeux tombants et le mâchonnement désenchanté. Son apparence ne la dérangeait plus, elle avait toujours un bon mot sur les lèvres et sa grande âme à partager. Ses parents étaient morts quasi centenaires, après s’être adorés et tyrannisés jusqu’au dernier souffle. De son père, assimilé au Très Haut, Sabote avait conservé le formidable manteau d’hiver à manchettes retroussées, martingale, épaulettes gansées, labyrinthe et semainier, des cachettes partout. Elle n’avait pas d’autre couvre-lit, dormait les poings enfoncés dans les manches vides. Elle lui parlait sous des noms inventés selon l’humeur, comptine invocatoire à la manière des sorciers primitifs qu’elle se fredonnait, en vaquant à ses charités. » Yann Queffelec (La femme sous horizon)
Un personnage pittoresque !
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