»-. J’aime la vie en général, mais la vie de province russe, je la déteste et je la méprise de toutes mes forces. Pourtant, j’aimais ma ville natale. Elle me paraissait si belle et si chaude. J’aimais sa verdure, ses calmes matinées ensoleillées, le son de ses cloches. La rue principale de la ville tenait lieu de promenade. Cette rue charmante pouvait presque remplacer un jardin. Elle était bordée d’une double rangée de peupliers qui embaumaient, surtout après la pluie. Des branches d’acacias, des buissons de lilas, des merisiers, des pommiers se massaient au-dessus des haies et des palissades. Le crépuscule de mai, la jeune et tendre verdure avec ses jeux d’ombres, le parfum des lilas, le bruissement des hannetons me ravissaient. Mais le monde des hommes se montre étranger à cette poésie.

Les hommes qui habitaient avec moi cette ville me semblaient ennuyeux, étrangers et parfois répugnants. Je ne les aimais pas et je ne les comprenais pas. La Bolchaïa et deux autres rues relativement propres subsistaient de leurs capitaux ou des salaires que les fonctionnaires touchaient de l’état. Mais de quoi vivaient les huit autres rues de la ville, qui s’étiraient, parallèles, sur trois verstes environ puis se perdaient derrière la colline, cela restait pour moi un problème insoluble. Et quelle était l’existence de ces gens, j’ai honte de le dire ! Ni jardin public, ni théâtre, ni orchestre décent. Les bibliothèques, la municipale et celle du Cercle, n’étaient visitées que par les adolescents juifs, ce qui fait que 💷 et revues nouvelles s’amoncelaient, intouchés, pendant des mois. » Anton Tchekhov (Ma Vie)
Des souvenirs un peu amères ! Joli tableau.
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