» -. Nattée à l’alsacienne, je montais parfois chez ma sœur aux grands cheveux. À midi, elle lisait déjà, le grand déjeuner finissant à onze heures. Le matin, couchée, elle lisait encore. Elle détournait à peine, au bruit de la porte, ses yeux noirs, distraits, voilés de roman tendre ou de sanglante aventure. Une 🕯️ consumée témoignait de sa longue veille. Qu’est-ce que tu lis, Juliette ? Dis, Juliette, qu’est-ce que tu lis ? Juliette !-. La réponse tardait à venir. Comme si des lieues d’espace et de silence nous eussent séparées. -. Fromont jeune et Risler aîné -. Ou bien. – La Chartreuse de Parme, Le Vicomte de Bragelonne, Monsieur de Camors, Le Vicaire de Wakefield, La Terre, Lorenzaccio, Les Monstres parisiens, Les Misérables, La Grande Maguet… Des vers aussi, moins souvent. Des feuilletons du Temps, coupés et cousus. La collection de La Revue des Deux Mondes, celle du Journal des Dames, Voltaire et Ponson du Terrail…

Des romans bourraient les coussins, enflaient la corbeille à ouvrage, fondaient au jardin, oubliés sous la pluie. Ma sœur aux longs cheveux ne parlait plus, mangeait à peine, nous rencontrait avec surprise dans la 🏡, s’éveillait en sursaut si on sonnait. Ma mère se fâcha, veilla la 🌃 pour éteindre la lampe et confisquer les 🕯️. Ma sœur aux longs cheveux, enrhumée, réclama dans sa chambre une veilleuse pour la tisane chaude, et lut à la flamme de la veilleuse. Après la veilleuse, il y eut les boîtes d’allumettes et le clair de 🌙. Après le clair de 🌙, ma sœur aux longs cheveux, épuisée de romanesque insomnie, eût la fièvre. Et la fièvre ne céda ni aux compresses, ni à l’eau purgative. -. C’est une typhoïde -, dit un matin le docteur Pomie. » Colette (La 🏡 de Claudine)
Belle histoire de l’amour de la lecture, joli livre-papillon !
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You are so creative! 💯💯💯
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