Histoire d’eau

 »-. Je fus ébloui par le plus merveilleux, le plus étonnant spectacle qu’il soit possible de voir. C’était une de ces fantasmagories du pays des fées, une de ces visions racontées par les voyageurs qui reviennent de très loin, et que nous écoutons sans les croire. Le brouillard qui, deux heures auparavant, flottait sur l’eau, s’était peu à peu retiré et ramassé sur les rives. Laissant le fleuve absolument libre, il avait formé sur chaque berge une colline ininterrompue, haute de six ou sept mètres, qui brillait sous la 🌙 avec l’éclat superbe des neiges. De sorte qu’on ne voyait rien d’autre chose que cette rivière lamée de 🔥 entre ces deux 🗻 blanches. Et, là-haut, sur ma tête, s’étalait, pleine et large, une grande 🌒 illuminante au milieu d’un ciel bleuâtre et laiteux.

Toutes les Bêtes de l’eau s’étaient éveillées. Les grenouilles croassaient furieusement, tandis que, d’instant en instant, tantôt à droite, tantôt à gauche, j’entendais cette note courte, monotone et triste, que jette aux 🌟 la voix cuivrée des crapauds. Chose étrange, je n’avais plus peur, j’étais au milieu d’un paysage tellement extraordinaire que les singularités les plus fortes n’eussent pu m’étonner. Combien de temps cela dura-t-il ? Quand je rouvris les yeux, la 🌙 était couchée, le ciel plein de ☁️. L’eau clapotait lugubrement, le vent soufflait, il faisait froid, l’obscurité était profonde.

Je bus ce qui me restait de rhum, puis j’écoutai en grelottant le froissement des roseaux et le bruit sinistre de la rivière. Peu à peu, l’épaisseur du noir diminua, soudain je crus sentir qu’une ombre glissait tout près de moi, je poussai un cri… c’était le cadavre d’une vieille femme qui avait une grosse pierre au cou. » Guy de Maupassant ( Sur l’eau)