Le pendu unijambiste

 »-. Sachez toutefois que le concierge ne s’est pas plus pendu au lustre de sa loge que le jeune Roger n’a sauté de son dortoir. Hier soir, mon adjoint a fait photographier le cadavre au bout de sa corde. Notre spécialiste a développé la pellicule cette 🌃. Regardez donc cette épreuve, Monsieur le juge. Trouvez-vous vraisemblable qu’un unijambiste range soigneusement sa jambe de bois sur un tabouret au pied de son lit, avant d’aller à cloche -pied jusqu’à son gibet de fortune ? Et comment, d’une détente de sa seule jambe valide, a-t-il pu sauter sur sa chaise avant de la faire basculer ? Je parie mes galons que nous avons là le deuxième faux suicide de l’affaire. Êtes-vous du même avis ?-

Je pense que l’adjudant est tout à fait dans le vrai, le concierge a été assassiné- . Avant que vous n’alliez réfléchir au cas du principal du collège, et que vous en fassiez un coupable acceptable, je signale qu’il enseigne les humanités au collège, ce qui ne le désigne pas comme l’auteur de la faute d’orthographe signalée dans la lettre. De plus, son âge, son tour de taille et la force physique qu’on peut encore lui attribuer lui interdisent, à mon avis, de pouvoir soulever le poids inerte du concierge, qui était bâti comme un cuirassier, jusqu’à la hauteur du nœud coulant -. Alors ?-. Alors il faut chercher ailleurs -. » Alain Gandy ( Les corneilles de Toulonjac)