Mort suspecte au collège Saint Charles

 »-. C’était un de nos trente-deux pensionnaires. Treize ans et demi. Il devait entrer en quatrième en octobre. Intelligence moyenne mais appliqué et discipliné, pas un chahuteur-. À débiter ses explications, la voix du principal était redevenue celle d’un honnête fonctionnalisme évaluant un dossier. Le dossier se fermait un peu brutalement. Dommage, mais qu’y pouvait-on ? -. Quand avez-vous vu ce gamin vivant pour la dernière fois ? -Hier soir, après le dîner. Il m’a demandé la permission d’emporter un livre de Fenimore Cooper, et il est parti se coucher après nous avoir salués, ma femme et moi. Je me rappelle lui avoir recommandé d’éteindre la lumière là-haut après sa lecture. C’est notre concierge qui l’a trouvé ici en faisant sa ronde, vers neuf heures ce matin.-

Êtes-vous monté au dortoir pour voir si la victime avait laissé une lettre ou quelque indice ?-. Bien sûr que non-. Soyez tranquille, nous irons fouiller un peu le paquetage de ce garçon, et nous interrogerons le concierge. Mais, lettre d’adieu ou pas, je crains que les suppositions de notre ami l’adjudant concernant ce décès brutal ne soient parfaitement justifiées -. Voyons, pourquoi cet interne si discipliné et si gentil aurait-il subitement décidé, après avoir lu Le Dernier des Mohicans, de sauter par la fenêtre d’un deuxième étage en pantalon de pyjama ? Pire, regardez le sol de cette cour. Il y a juste un peu de sang sous la tête de ce malheureux. Il devrait y avoir une flaque d’un mètre de diamètre. Qui a épongé cette flaque ?- » Alain Gandy (Les corneilles de Toulonjac)