»-. Abstiens toi donc de toute nourriture ayant eu vie, car manger de la bête, c’est manger son semblable-. Et, sur la table, côte à côte, retenues par une petite aiguille d’argent, une demi-douzaine de cailles, fraîches et dodues, exhalaient dans l’air leur appétissante odeur. Le combat fut terrible entre l’esprit et le ventre, mais, disons-le à la gloire d’Heraclius, il fut court. Le pauvre homme, anéanti, craignant de ne pouvoir résister longtemps à cette effroyable tentation, sonna sa bonne. Et, d’une voix brisée, lui enjoignit d’avoir à enlever immédiatement ce mets abominable, et de ne lui servir désormais que du lait, des oeufs et des légumes. Honorine faillit tomber à la renverse, elle voulut protester mais, devant l’oeil inflexible de son maître, elle se sauva avec les volatiles condamnés. Se consolant néanmoins par l’agréable pensée que, généralement, ce qui est perdu pour un n’est pas perdu pour tous !

-. Des cailles, des cailles ! Que pouvaient bien avoir été les cailles dans une autre vie ?-, se demandait le misérable Heraclius, en mangeant tristement un superbe chou-fleur à la crème qui lui parut, ce jour-là, désastreusement mauvais. Quel être humain avait pu être assez élégant, délicat et fin pour passer dans le corps de ces exquises petites bêtes si coquettes et si jolies ? Ah, certainement, ce ne pouvaient être que les adorables petites maîtresses des siècles derniers. Et il pâlit encore en songeant que, depuis plus de trente ans, il avait dévoré chaque jour à son déjeuner une demi-douzaine de belles dames du temps passé. » Guy de Maupassant (Le docteur Heraclius gloss)
J’aime beaucoup le tout ☺
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Une belle histoire et beau tableau 🖼
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