»-. Cette fois, je ne suis pas fou. J’ai vu, j’ai vu. J’ai vu… Je ne peux plus douter, j’ai vu, j’ai vu ! J’en ai encore froid jusque dans les ongles. J’ai encore peur, jusque dans les moelles. J’ai vu ! Je me promenais Ă deux heures, en plein âïž, dans mon parterre de rosiers. Dans l’allĂ©e des rosiers d’automne qui commencent Ă fleurir. Comme je m’arrĂȘtais pour regarder un sujet qui portait trois đ„ magnifiques, je vis, je vis distinctement, tout prĂšs de moi, la tige de l’une de ces đ„ se plier, comme si une â invisible l’eĂ»t tordue. Puis se casser comme si cette â l’eĂ»t cueillie. Puis la fleur s’Ă©leva, suivant la courbe qu’aurait dĂ©crit un bras en la portant vers une đ, et elle resta suspendue dans l’air transparent. Toute seule, immobile, effrayante tache rouge Ă trois pas de mes yeux.

Ăperdu, je me jetai sur elle pour la saisir, je ne trouvai rien, elle avait disparu. Mais Ă©tait-ce bien une hallucination ? Je me retournai pour chercher la tige, et je la retrouvai immĂ©diatement sur l’arbuste, fraĂźchement brisĂ©e, entre les deux autres đ„ demeurĂ©es sur la branche. Alors je rentrais chez moi l’Ăąme bouleversĂ©e. Car je suis certain maintenant, certain comme de l’alternance des jours et des đ, qu’il existe prĂšs de moi un ĂȘtre invisible, qui se nourrit de lait et d’eau, qui peut prendre les choses. DouĂ© par consĂ©quent d’une nature matĂ©rielle, bien qu’imperceptible par nos sens, et qui habite, comme moi, sous mon toit… J’ai dormi tranquille. Le Horla a bu l’eau de ma carafe, mais il n’a point troublĂ© mon sommeil. » Guy de Maupassant (Le Horla)
Une histoire belle et terrible ! Belle rose đč
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