»-. Pour les naufrages d’Islande, on a des indications, ordinairement. Ceux qui reviennent ont vu de loin le drame, ou bien ils ont trouvé un débris, un cadavre, ils ont quelque indice pour tout deviner. Mais, de la Léopoldine, on n’avait rien vu, on ne savait rien. Ceux de la Marie-Jeanne, les derniers qui l’avait aperçue le 2 août, disaient qu’elle avait dû s’en aller pêcher plus loin vers le nord, et après, cela devenait le mystère impénétrable. Attendre, toujours attendre, sans rien savoir ! Quand viendrait le moment où vraiment elle n’attendrait plus ? Elle ne le savait même pas, et, à présent, elle avait presque hâte que ce fût bientôt. Oh ! S’il était mort, au moins qu’on eût la pitié de le lui dire !

Quelquefois, il lui venait tout à coup le sentiment d’une voile surgissant du bout de l’horizon. La Léopoldine, approchant, se hâtant d’arriver. Hélas, où était-elle en ce moment, cette Léopoldine ? Où pouvait-elle bien être ? Là-bas, sans doute, là-bas dans cet effroyable lointain de l’Islande, abandonnée, émiettée, perdue… Et cela finissait par cette vision obsédante, toujours la même. Une épave éventrée et vide, bercée sur une mer silencieuse d’un gris rose. Bercée lentement, lentement, sans bruit, avec une extrême douceur, par ironie, au milieu d’un grand calme d’eaux mortes. » Pierre Loti (Pêcheur d’Islande)
Un beau tableau 🖼 pour illustrer cette histoire
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