Dans les draps d’une courtisane

 »-. Ah, combien d’hommes et de femmes ont pu froisser ces draps ? En 1910, aux obsèques de la courtisane la plus célèbre de la fin du dix-neuvième siècle, on imagine bien que la question était sur toutes les lèvres. On racontait même que le lit de Valtesse de la Bigne était plus visité que la tour Eiffel. Aujourd’hui, peu se rendent devant le lit de la Dame aux camélias, exposé au musée des arts décoratifs. Sa propriétaire le commande à Édouard Lièvre, qui dessine une structure en bronze doré, garnie de velours et fermée par une balustrade. Il s’inspire du lit de parade du lit de Louis Quatorze. Mais ici, comme le rappellent les amours potelés et les motifs enflammés, Rayon d’Or, surnom de sa propriétaire, reçoit une toute autre cour.

Émile Zola, dans son roman Nana, dont l’héroïne lui ressemble fortement, décrit – un lit comme il n’en existe pas, un trône, un autel où Paris viendrait adorer sa nudité souveraine -. Et, sur ce trône, il faut une reine. Fille d’une lingère, Émilie Louise Delabigne se prostitue très jeune sous le pseudonyme de Valtesse (comprenez Votre Altesse) de la Bigne. Elle raconte à qui veut l’entendre que Napoléon III l’a faite comtesse. Une particule et un titre, c’est plus chic pour séduire le monde. Car elle sait que pour faire carrière il faut s’attaquer à de gros portefeuilles. On comprend mieux la 👑 et le blason sur la tête de lit. Jamais anoblie, mais devenue richissime, Valtesse de la Bigne, collectionneuse d’art, lèguera, à sa mort, l’oeuvre d’Edouard Lièvre aux Arts Décos. » Petits musées, Grandes histoires