Laisser du temps au temps

 »-. Tu vois, ce qui nous manque, c’est la patience. J’ai rencontré récemment un peintre japonais qui m’a beaucoup appris, dans ce domaine. C’est un homme qui n’est plus très jeune, bientôt soixante ans. Au Japon, il était connu, célèbre même. Peintre, critique d’art, animateur de ceci et de cela, toujours sur la brèche, remuant le monde pour les autres, dévoré, quoi ! Il voyait filer sa vie. Un beau jour, il en a eu assez d’être bouffé par la société. Il est arrivé à Paris, où personne ne le connaissait, et, là, il a tout simplement recommencé.

Il y a dix ou douze ans de cela. J’ai vu ses tableaux. Un monde ! Chaque tableau lui demande six mois de travail, mais si tu voyais ça ! Peut-être bien les toiles les plus riches que j’ai vues, les plus chargées de matière vivante. Le monde recréé. Une œuvre, vraiment. Et un chef-d’œuvre de patience et de réflexion. Mais il s’est installé dans le temps, tu comprends. Il dit qu’il lui faut encore dix ans pour parvenir à réaliser ce qu’il veut faire. Il n’est pas pressé. Il ne se hâte pas. Il laissera quelque chose. Il a compris qu’il fallait rompre avec cette société folle, se retirer et travailler dans le silence. Les gens comme nous, nous sommes faits pour vivre dans des monastères, pas dans le siècle. Mais on a cru malin de tout casser, y compris les monastères, pour libérer l’homme. » Jacques Peuchmaurd (Le ☀️ de Palicorna)