L’homme a toujours vĂ©cu sous le joug des superstitions… On croyait autrefois qu’une đ s’allumait en mĂȘme temps que naissait un enfant, qu’elle suivait les vicissitudes de sa vie, marquant les bonheurs par son Ă©clat, les misĂšres par son obscurcissement. On croit Ă l’influence des comĂštes, des annĂ©es bissextiles, du nombre treize. Or, mon đ Ă moi, ma comĂšte, mon vendredi, mon nombre treize, mon jeteur de sorts, c’est bien certainement un marchand de coco. Le jour de ma naissance, m’a-t-on dit, il y en eut un qui cria toute la journĂ©e sous nos fenĂȘtres. Ă huit ans, comme j’allais me promener avec ma bonne aux Champs-ElysĂ©es, et que nous traversions la grande avenue, un de ces marchands agita sa sonnette derriĂšre mon dos.

Ma bonne regardait au loin un rĂ©giment qui passait, je me retournai pour voir le marchand de coco. Elle me tirait en avant, je rĂ©sistais, prĂ©occupĂ© par la sonnette. Une voiture Ă deux đ, luisante et rapide comme l’Ă©clair, arrivait sur nous. Le cocher cria. Ma bonne n’entendit pas, moi non plus. Je me sentis renversĂ©, roulĂ©, meurtri… Et je me trouvai, je ne sais comment, dans les bras du marchand de coco qui, pour me rĂ©conforter, me mit la bouche sous un de ses robinets, l’ouvrit, et m’aspergea. Ce qui me remit tout Ă fait. Ma bonne avait le nez cassĂ©. Et, si elle continua Ă regarder les rĂ©giments, les rĂ©giments ne la regardĂšrent plus… » Guy de Maupassant (Le Horla)
Une drĂŽle d’histoire ! Joli tableau đŒ
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