»-. J’aime ma đĄ, oĂč j’ai grandi. De mes fenĂȘtres, je vois la Seine qui coule, le long de mon jardin, derriĂšre la route, presque chez moi. La grande et large Seine, qui va de Rouen au Havre, couverte de â” qui passent. Ă gauche, lĂ -bas, Rouen, la vaste ville aux toits bleus, sous le peuple pointu des clochers gothiques. Ils sont innombrables, frĂȘles ou larges, dominĂ©s par la flĂšche de fonte de la cathĂ©drale, et pleins de cloches qui sonnent dans l’air bleu des belles matinĂ©es. Jetant jusqu’Ă moi leur doux et lointain bourdonnement de fer, leur chant d’airain que la brise m’apporte, tantĂŽt plus fort et tantĂŽt plus affaibli, suivant qu’elle s’Ă©veille ou s’assoupit. Comme il fait bon, ce matin !

Vers onze heures, un long convoi de navires, traĂźnĂ©s par un remorqueur, gros comme une mouche et qui rĂąlait de peine en vomissant une fumĂ©e Ă©paisse, dĂ©fila devant ma grille. AprĂšs deux goĂ©lettes anglaises, dont le pavillon rouge ondoyait sur le ciel, venait un superbe trois-mĂąts brĂ©silien, tout blanc, admirablement propre et luisant… /… Ah ! Ah ! Je me rappelle, je me rappelle le beau trois-mĂąts brĂ©silien, qui passa sous mes fenĂȘtres en remontant la Seine, le 8 mai dernier ! Je le trouvai si joli, si blanc, si gai ! L’Ătre Ă©tait dessus, venant de lĂ -bas, oĂč sa race est nĂ©e ! Et il m’a vu, il a vu ma đĄ blanche aussi, et il a sautĂ© du â” sur la rive. Oh, mon Dieu ! Ă prĂ©sent , je sais, je devine. Le rĂšgne de l’homme est fini. Il est venu, celui que redoutaient les premiĂšres terreurs des peuples naĂŻfs. » Guy de Maupassant (Le Horla)
Beau texte et joli bateau poisson đ
JâaimeAimĂ© par 1 personne