La légende du Mont Saint-Michel

 »-. Quand je fus au sommet, je dis au moine qui m’accompagnait. -. Mon père, comme vous devez être bien ici !-. Il y a beaucoup de vent, Monsieur !-. Et nous nous mîmes à causer en regardant monter la mer, qui courait sur le sable, et le couvrait d’une cuirasse d’acier. Et le moine me conta des histoires, toutes les vieilles histoires de ce lieu, des légendes, toujours des légendes. Une d’elles me frappa beaucoup. Les gens du pays, ceux du Mont Saint Michel, prétendent qu’on entend parler, la 🌃, dans les sables. Puis qu’on entend bêler deux 🐐, l’une avec une voix forte, l’autre avec une voix faible.

Les incrédules affirment que ce sont des cris d’🐦 de mer, qui ressemblent tantôt à des bêlements, tantôt à des plaintes humaines. Mais les pêcheurs attardés jurent avoir rencontré, rôdant sur les dunes, entre deux marées, autour de la petite ville jetée ainsi au loin du monde, un vieux berger, dont on ne voit jamais la tête, couverte de son manteau. Et qui conduit, en marchant devant eux, un bouc à figure d’homme et une 🐐 à figure de femme. Tous deux avec de longs cheveux blancs et parlant sans cesse, se querellant dans une langue inconnue, puis cessant soudain de crier pour bêler de toutes leurs forces. -. Y croyez-vous ?-. Je ne sais pas. S’il existait sur la terre d’autres êtres que nous, comment ne les connaitrions-nous point depuis si longtemps ? Comment ne les auriez-vous pas vus, vous ? Comment ne les aurais-je pas vus, moi ?- » Guy de Maupassant (Le Horla)